La nouvelle loi fondamentale entre légitimité, légalité et efficacité

La nouvelle loi fondamentale entre légitimité, légalité et efficacité

Introduction

La constitution vit en nous et nous la faisons vivre.

Elle se définit de façon formelle comme un ensemble de règles revêtant une forme spéciale, consistant en un document écrit, solennellement adopté et qui est d’une valeur juridique généralement supérieure à celle des lois ordinaires.

Matériellement, c’est l’ensemble des règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, détermine les rapports entre gouvernants et gouvernés ainsi que les droits et devoirs des uns vis-à-vis des autres.

La constitution quelle que soit son histoire n’a d’autre objet que l’encadrement juridique au sein d’une société. D’ailleurs la loi n’exprime la volonté générale dans une société que dans le respect de la constitution.

Cette constitution appelée loi fondamentale a besoin d’évolué. Ainsi l’opinion de

Royer –COLLARD : « les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil», a le mérite d’appeler l’attention sur le fait qu’elle subit l’usure du temps comme toutes les choses humaines.

Le roi Hassan II du Maroc, lors de sa réception à l’Assemblée nationale le 7 mai 1996 a développé la métaphore du vêtement à propos de la constitution : un vêtement se dessine et se coud en fonction des formes et des mesures de celui qui devra le porter. Bien plus celui que l’on habille ne gardera pas immuablement la même silhouette2.

La constitution du Mali, précisément celle du 25 février 1992, malgré sa rigidité a montré insuffisances et incohérences qui après 3 tentatives notamment avec les présidents Alpha Oumar KONARE, Amadou Toumani TOURE et Ibrahim Boubacar KEÏTA n’ont pu connaitre de révision.

Un renversement, celui du 18 août 2020 qui a pris par la suite un caractère révolutionnaire grâce à une rectification effectuée à la date du 24 Mai 2021 a ouvert la voie à un changement de constitution c’est-à-dire l’accès à une nouvelle République. Ainsi, questionnements et polémiques se sont emparés des scènes politiques et sociales quant à la question de légitimité, de légalité et de compétence de toucher à la loi fondamentale par un chef d’Etat n’émanant pas par la voie des urnes.

Alors ce travail sera effectué de façon à traiter en première ligne la légitimité dont bénéficie ce processus de changement ensuite la légalité qui l’encadre et enfin l’efficacité qu’on peut lire dans le texte établi.

Caractère légitime du processus de changement de la Constitution :

On se souvient encore du lundi 10 janvier 2022 à l’issue d’une réunion du Conseil des ministres sous la présidence du Colonel Assimi GOÏTA, président de la

Transition, chef de l’Etat, en réaction aux décisions du double sommet de l’UEMOA et de la CEDEAO le 9 janvier à Accra. Un appel a été lancé par le gouvernement à l’endroit de l’ensemble de la population à l’intérieur comme à l’extérieur du Mali à une mobilisation générale le vendredi 14 janvier 20224.

Le peuple malien a massivement répondu à l’appel pour soutenir ce gouvernement face aux mesures extrêmes prises à l’encontre de notre pays en tant que membre sans littoral de la CEDEAO et en guerre contre le terrorisme, en train de réaliser des progrès dans la sécurisation et dans le cadre du retour à l’ordre constitutionnel malgré toutes ces difficultés. Un soutien qui a emmené le gouvernement à élaborer un plan de riposte pour sauvegarder notre souveraineté et préserver l’intégrité de notre territoire.

Alors cette grande mobilisation n’est-elle pas synonyme de légitimité pour ces autorités qui engagent le processus de changement de constitution ?

Quant au processus lui-même, il incarne la participation de tous les maliens (communes, cercles, régions et district de Bamako) aux assises nationales pour la refondation (ANR).

Le contenu du rapport final des ANR le confirme : certains grands axes constituent le contexte et la justification de ce processus.

Le Mali, de son accession à l’indépendance de 1960 à nos jours, s’est engagé dans un processus de construction nationale d’une république démocratique, plurielle et laïque qui a souvent été ponctuée de crises socio-politiques caractérisées par des ruptures de l’ordre constitutionnel établi.

Depuis 2012, le Mali est confronté aux conséquences d’une nouvelle rébellion dans le septentrion du pays qui a favorisé l’avènement d’une crise multidimensionnelle ébranlant les fondements de la nation elle-même. En effet, la dégradation progressive de la situation sécuritaire, conséquence de la déliquescence accrue de l’Etat pendant plusieurs décennies, s’est ajoutée au dysfonctionnement des institutions Etatiques, au délitement du lien social et à l’effritement de la cohésion sociale.

En 2015, un accord intitulé « accord pour la paix et la réconciliation au Mali » issu du processus d’Alger est signé le 15 mai et 20 juin à Bamako. La signature de cet accord n’a pu produire les effets escomptés, notamment la paix, la réconciliation et la stabilité au Mali, malgré la forte présence et l’assistance de la communauté internationale. Pire, l’insécurité s’est répandue aux régions du centre, au sahel occidental et à certaines localités du sud du Mali.

C’est ainsi qu’en 2020, la détérioration du climat politique et la grogne sociale ont entrainé un vaste mouvement de contestation populaire porté par le Mouvement du 5 Juin Rassemblement des Forces Patriotiques (M5RFP). Ce mouvement populaire a exigé et obtenu la démission du Président IBK et de son régime. Le concours des forces armées et de sécurité conduit par le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) a contribué le 18 août 2020 au parachèvement de la lutte du M5 RFP.

Ces évènements avaient suscité un grand espoir chez les maliens épris de paix et de justice. L’ensemble des forces vives s’attendait à une période de transition politique qui consacrerait la rupture tant souhaitée. Mais des divergences de vue dans la gestion de la transition entre les plus hautes autorités n’ont pas permis au processus de transition d’évoluer à la hauteur des attentes. Cette situation a abouti le 25 mai 2021 à la démission du président de la Transition, du premier ministre et de son gouvernement.

Ainsi, le pays a entamé une seconde phase de la transition, avec l’investiture du

vice-président en qualité de président de la transition le 07 juin 2021 et la nomination d’un nouveau premier ministre. Un nouveau gouvernement a été formé le 11 juin 2021.

Alors l’enjeu était tel qu’une certaine motivation et un certain engouement ont animé le peuple malien à l’endroit des autorités de la transition pour rendre effectif ce nouveau contrat social qui vise la stabilité et le bien-être social du pays.

DEUXIEME PARTIE : un processus encadré par une légalité affichée

Pourtant dans les pouvoirs de crise traités par Francis HAMON et Michel TROPER dans droit constitutionnel 36e édition ; pages 151 ; 152 ; il peut se produire des évènements auxquels les pouvoirs constitués sont incapables de faire face, soit parce qu’ils sont matériellement paralysés par ces évènements eux-mêmes, soit tout simplement parce que la lenteur des procédures, le respect des droits et libertés fondamentaux ou la division des compétences les en empêche. Qu’il s’agisse de guerre étrangère ou intérieure ou de catastrophe naturelle, on comprend que le respect de la constitution rende difficile voire impossible de faire face à ces situations. Il peut même arriver que la crise menace la constitution elle-même.

On peut alors estimer qu’il faut pouvoir agir et décider rapidement en dehors des formes constitutionnelles, c’est-à-dire en concentrant pour un temps tous les pouvoirs dans les mains d’un seul. C’est pourquoi on a pu écrire que les périodes de crises nécessitaient un souverain et par voie de conséquence qu’elles fournissent un véritable test permettant de desceller celui qui, dans l’Etat est véritablement souverain : c’est celui qui décide de la situation exceptionnelle.

(Schmitt 19887). D’un point de vue juridique, deux cas peuvent se présenter : la constitution ne contient aucune règle relative aux circonstances exceptionnelles ou elle a au contraire cherché à aménager les pouvoirs permettant d’y faire face.

Si le texte constitutionnel ne dispose d’aucune disposition en temps de crise, le législateur peut en cas de besoin prendre lui-même les mesures appropriées ou conférer des pouvoirs exceptionnels à une autorité distincte, l’exécutif, une partie de l’exécutif, l’armée. Ces pouvoirs exceptionnels excèderont ceux qui sont normalement exercés par ces autorités et même le pouvoir attribué par la constitution au législateur. S’ils comprennent par exemple de compétence judiciaire. On justifie cependant cette violation de la constitution par un principe non écrit « salus populi suprema lex ». Le salut du peuple ou de la république ou de la constitution est la loi suprême. En d’autres termes, il serait permis de suspendre pour un temps la constitution si c’est le seul moyen (de préserver ?) la constitution.

Une telle solution comporte deux difficultés principales : la première est liée au principe « Sali populi » qui n’est évidemment pas une norme juridique positive puisque le transfert des pouvoirs exceptionnels est par hypothèse dépourvu de base légale. Le principe « Sali populi » peut être facilement invoqué non seulement par l’organe législatif, mais par n’importe quelle autre autorité par exemple l’armée. En outre, il n’y a aucune mesure objective de la nécessité de recourir à ce transfert de compétence et on peut concevoir sans trop de peine qu’une autorité quelconque prenne comme prétexte d’un péril imaginaire pour justifier la prise du pouvoir.

La seconde difficulté concerne les constitutions qui s’efforcent de prévoir et régler ce type de situation. Les constituants se trouvent pris entre deux objectifs contradictoires ou bien elles tentent de fixer des limites au pouvoir de crise, de crainte d’un usage arbitraire, mais elle risque de prescrire des règles, qui, le moment venu se révèleront inadéquates ou bien elles privilégient l’efficacité avec le risque inverse d’un usage arbitraire.

Cela dit, les techniques et règles sont extrêmement variées et peuvent être classées selon plusieurs axes relativement à ce qu’elles prévoient pour la mise en œuvre des pouvoirs de crise, la détermination du bénéficiaire et les pouvoirs qui lui seront conférés.

La constitution du 25 Février 1992 en son article 50 dont la teneur suit : « lorsque les institutions de la république, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire national, l’exécution de ces engagements internationaux sont menacés d’un manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président prend des mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation du premier ministre, des présidents de l’assemblée nationale et du Haut conseil des collectivités ainsi que la cour constitutionnel. Il en informe la nation par un message.

L’application de ces pouvoirs exceptionnels par le président de la république ne doit en aucun cas compromettre la souveraineté nationale ni l’intégrité territoriale.

Les pouvoirs exceptionnels doivent viser à assurer la continuité de l’Etat et le rétablissement dans les brefs délais du fonctionnement régulier des institutions conformément à la constitution.

L’assemblée nationale se réunit de plein droit et ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.

Cet article 50 n’affiche-t-il pas les crises institutionnelles en la formation d’un gouvernement de 6 membres par le président IBK à la date du 27 juillet 2020 ayant pour chef le premier ministre Boubou CISSE, territoriales par la perte d’influence des autorités du Mali sur 2/3 du territoire et l’entrave de ses pouvoirs de décision quant à ses engagements internationaux ? (Peu clair)

D’aucuns parleront de l’article 36 de la constitution du 25 février 1992 qui parle de l’application d’un certain nombre d’articles dont cet article 50 dans son dernier alinéa en période de circonstances exceptionnelles.

La ferme volonté des trois régimes précédents de réviser la constitution du 25 février 1992 vis-à-vis de son incohérence, de son inefficacité et son insuffisance, n’est-t-elle pas suffisante pour prouver l’inadéquation de cet alinéa de l’article 36 par rapport à la situation confuse que vit le pays depuis plus d’une décennie ?

La prestation de serment du 7 juin 2021 du président de la transition chef de l’Etat n’est-elle pas suffisante comme pouvoir légal au président de la transition pour mettre la main dans les affaires de la nation malienne ?

Ainsi, nous nous retrouvons devant une stabilité progressive quant à la situation sécuritaire et une souveraineté retrouvée.

Passons au constat effectué du passage de la 3e république à la 4e république…

Source: malien.net


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